Iran : Le Syndrome du Docteur Folamour...

Publié le 3 Avril 2007

 
-science_photo_library.jpgL’annonce récente (1) que le porte-avions français avait rejoint les porte-avions US, face à l’Iran, dans le Golfe Persique m’a fait penser à la scène d’anthologie d’un des chefs d’œuvre du cinéma, le film de Stanley Kubrick, Docteur Folamour ou comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer la bombe (2).

Le chef de l’équipage du bombardier qui avait armé la bombe atomique, tout heureux de la lâcher sur l’URSS de l’époque, la chevauche, sautant avec elle,  comme il l’aurait fait d’un cheval sauvage, battant sa croupe de son chapeau texan, plongeant ainsi dans le vide en hurlant de joie !... 

Stanley Kubrick caricature, dans ce monument de l’humour noir, la folie des hommes qui se lancent dans des aventures guerrières qu’ils n’arrivent plus à maîtriser.

Folie, non pas du peuple qui est exclu de ces enjeux, en termes de réflexion et de décision, mais d’une caste de politiciens et de militaires, aussi paranoïaques et stupides les uns que les autres, parfaits représentants du complexe "militaro-industriel".

Inoubliable. Et, combien d’actualité…

La France, en parfait auxiliaire de « l’Empire », se joint, par ce geste, à la folie belliciste de l’extrême-droite américano-sioniste. Notre caste de politiciens, singeant ces traîneurs de sabre, a donc sorti les chapeaux texans, heureuse de jouer à la "guéguerre" au Moyen Orient. Soutenue, bien sûr, par les propagandistes qui nous refont le "coup de Munich" et celui des profanations de cimetières…

Et, bien sûr, sans débat démocratique, discussion parlementaire, vote populaire… Engageant notre diplomatie et nos forces armées, dans le silence institutionnel d’une république bananière.

Au lieu d’apaisement, de paix, de compassion, qui sont une urgence dans cette région, que voit-on ? Des carnages, des discours menaçants, belliqueux et des préparatifs de guerre contre l’Iran.

Depuis des années, ces préparatifs n’ont jamais cessé et, à présent, s’intensifient. Les marins britanniques, capturés au cours de leur action commando, ne sont que la partie visible de ces opérations destinées à tester le niveau des défenses iraniennes : maritimes, terrestres et aériennes.

L’enlèvement récent, par les services spéciaux occidentaux, de personnels consulaires iraniens en Irak, ou de personnels militaires en Turquie, au mépris des conventions internationales, doit être accepté pour « normal ». L’arrestation de commandos armés occidentaux dans les eaux territoriales d’un pays souverain est, par contre, jugée "inadmissible"…

Cynisme du fort par rapport au faible ?  Bien… Mais, ce faisant, la diplomatie française, à la remorque des "néocons", se fourvoie à deux niveaux : celui de l’Histoire, mais davantage préoccupant, celui de la Géopolitique.

 

Le déni historique

i)     Les occidentaux n’ont jamais admis "l’indépendance" de l’Iran. Ses énormes ressources pétrolières et gazières avaient vocation, dans leur esprit, à être pillées par eux. Ils n’ont pas hésité à renverser le premier ministre régulièrement élu, Mossadegh (3), qui avait voulu nationaliser le pétrole. Les anglo-saxons, au cœur de ce pillage, interdisaient même aux iraniens de consulter les comptes des compagnies pétrolières !...

Supprimant toutes les libertés, ils ont imposé le régime sanguinaire (4) du Shah. Toute une société civile décapitée, en quelques années. A tel point, que la seule force politique survivante fut celle des religieux !… En fait, regrettant le régime du Shah, ils rêvent d’un régime de marionnettes, à la jordanienne.

ii)    L’Irak, dirigé par Saddam Hussein, a été poussé, armé, guidé dans une guerre implacable pour vaincre l’Iran (1980-1988) afin de renverser ceux qui avaient fait chuter le Shah. Cette guerre a provoqué de part et d’autre plus d’un million de morts. Les armes françaises, entre autres armes occidentales, ont été déversées à flots continus dans ce conflit.

Cette politique répondait et répond à des plans qui se succèdent depuis la présidence d’Eisenhower (5). Les archives et les publications des « think-tanks » d’extrême droite en sont pleins : asservir, diviser, morceler, piller.

iii)   Qu’on le veuille ou non, le gouvernement iranien actuel est un gouvernement régulièrement élu. Chacun est libre de choisir, dans l’autodétermination, ce qui lui convient. C’est à l’évolution naturelle de son histoire et de sa société de déterminer ce qui lui convient. Il n’appartient pas à des puissances prédatrices extérieures d’imposer leurs dictatures, sous couvert de régimes corrompus et manipulés. Dire que l’Iran est "au ban des nations" est une vue de l’esprit. Il n’est que la bête noire des "chefs de guerre ou de bande" de l’Occident. Ce qui est largement différent… En fait, son prestige est immense et pas seulement dans le monde musulman.

iv)     Lorsque la France a voulu changer de régime politique en 1789, elle a eu l’Europe entière contre elle. Elle a préservé son indépendance et ses choix dans des combats héroïques, en battant plusieurs coalitions de pays européens. Bataille de Valmy, en 1792, ou de Fleurus en 1794, malgré 20.000 soldats français « contre-révolutionnaires » soutenant les puissances étrangères, par exemple.

Les français, son peuple d’alors, n’admettaient pas qu’on veuille l’empêcher d’exercer son droit à l’autodétermination. Les iraniens font et ne feront pas moins.

 

L’aveuglement géopolitique
i)  Le cynisme, adossé à la force armée et à la propagande, est viable, en tant que politique, tant que l’équilibre est en faveur du plus fort. N’oublions pas qu’au début du XX° siècle, la Grande Bretagne et la France étaient les plus grandes puissances et les plus grands empires de l’époque. A la fin de ce même siècle, elles n’étaient plus que des puissances régionales.

Suivant la même évolution, au début du XXI° siècle, les USA sont un redoutable "Empire", à la fin de ce même siècle, ils ne seront plus qu’une puissance régionale. Tout simplement, parce que le centre de gravité de la puissance économique et militaire bascule inéluctablement en Asie… La force agressive de l’Occident vit ses derniers temps.

ii)  La "guerre de religion"  entre sunnites et chiites est une création de l’Occident. Elle n’a jamais existé. Jamais un chiite n’irait détruire une mosquée sunnite. Et vice-versa. Encore moins massacrer des pèlerins. Dieu, le Coran, les lieux de prière sont les mêmes et sont sacrés. Tous les musulmans se retrouvent aux lieux saints de  la Mecque et de Médine.

Les affrontements qui ont eu lieu dans le passé représentent une courte période sous forme de guerre de succession, dans la direction de la communauté musulmane à son origine. Mais, il y a eu toujours le respect du religieux.

Cautionner les fous qui ont imaginé pareille stratégie, qu’ils font appliquer par des "escadrons de la mort" non musulmans (6), est un crime contre l’humanité.  Vouloir dresser des pays les uns contre les autres sur des différences religieuses est donc une stupidité. Voir notre diplomatie souscrire à pareille aberration, d’un tel niveau d’horreur, est une responsabilité criminelle.

iii)  La recomposition du Moyen Orient se fera, sous forme d’une fédération comme s’est faite celle de l’Italie ou de l’Allemagne. Ces deux pays ne furent, longtemps, qu’une mosaïque de  principautés. A l’exemple des régimes fantoches manipulés par l’Occident.

Cette région sera une des grandes puissances de la fin  du XXI° siècle. Ne pas le comprendre, ni l’entrevoir représente encore une stupidité à laquelle souscrit notre diplomatie.

iv)  Qu’on le veuille ou non : l’Iran est une grande nation. Une des plus anciennes du monde. Elle sera maîtresse de sa souveraineté. Lui dénier l’arme atomique n’a aucune validité diplomatique ou morale à partir du moment où Israël en possède, au  minimum, une centaine et a procédé à des tirs de missiles balistiques à partir de "sous-marins indiens", comme on a pu le lire dans la presse asiatique.

Soit, il y a désarmement général atomique dans la région, soit chacun doit pratiquer la devise des romains :  "Si vis pacem para bellum" : "Si tu veux la paix, prépare la guerre".

Le déni et l’aveuglement pratiqués par la caste politique qui gouverne la France, aux ordres des extrémistes de Washington - Tel Aviv et Bruxelles, sont la marque d’un dysfonctionnement de nos institutions politiques. L’expression de pratiques non démocratiques et irresponsables, indignes d’un pays souverain, oeuvrant pour la Paix et la Dignité Humaine.

 

 

 

(1)    Aucun media français, sauf erreur, n’en a parlé. Omerta française. On trouve l’information dans la presse anglophone d’Asie… Voir l’article de Kaveh L. Afrasiabi, Iran, ahead of the game, Asia Times, 30 mars 2007.
(2)    Titre original du film : Dr. Strangelove or How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb (1964), d’après le roman de Peter George Red Alert (1958).
(3)    Premier ministre en 1951, renversé par la CIA en 1953.
(4)    Une des plus horribles répressions que l’humanité ait connue, avec des milliers de morts et disparus sous les tortures de la sinistre police du régime : la SAVAK. Avec l’assistance de la CIA et du Mossad.

C’est toute une génération de cadres qui a été effacée de l’Iran, sous prétexte alors qu’ils étaient  « communistes », n’épargnant en fait que les cadres religieux.
(5)    Président des USA de 1953 à 1960.
(6)    Où on retrouve parmi ces mercenaires, comme par hasard, des membres des milices chrétiennes du Liban, et autres « phalanges », parlant parfaitement l’arabe et indétectables au « faciès »…

 

 

 

Rédigé par Georges Stanechy

Publié dans #Bellicisme Occidental

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